Conception et démarche d'innovations couplées : d'INTERLUDE à PARiCi

Malgré un effort de soutien politique et financier de la transition agroécologique en France et en Europe, les systèmes de production sont toujours très consommateurs de produits phytopharmaceutiques. Pour expliquer cette situation, des chercheurs européens (Geels, 2004) et français (Meynard, 2014) proposent d’adopter une approche « système » non pas uniquement à l’échelle de la parcelle ou de la ferme, mais à une échelle plus large : le territoire ou la filière. L’approche consiste alors à 1) identifier les freins et leviers au changement de pratiques par les agriculteurs, en regardant comment les interactions qui les lient à d’autres acteurs de leur filière ou leur territoire (fournisseur d’intrant, conseiller, négociant, etc.) conditionnent leur choix ; et 2) mettre autour de la table agriculteurs, acteurs de la filière et du territoire, de manière à ce qu’ils conçoivent ensemble des solutions, des modes de coordination qui rendent possible l’adoption de pratiques agroécologiques par les agriculteurs. On parle d’innovations couplées car la transition nécessite un couplage entre différentes parties prenantes qui doivent s’engager ensemble dans le changement (par exemple, l’utilisation de variétés de pommier résistantes à la tavelure par l’agriculteur et la modification de sa recette de compote de pommes par le transformateur). Aujourd’hui, plusieurs acteurs de la R&D se sont saisis de cette question (CTIFL, IDELE, ARVALIS, ITAB) dans différents projets de recherche-action impliquant toujours des cas d’étude (I2 Connect, DiverImpacts, etc.). Le projet INTERLUDE, piloté par INRAE de 2020 à 2024 et basé sur 4 cas d’étude (Provence, Roussilon et Antilles) visait à tester et formaliser une démarche de conception de scénarios territoriaux pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. L’ITAB, co-pilote de la valorisation des résultats du projet, a contribué à la production de ressources i) de sensibilisation à cette approche, ii) méthodologiques sur la démarche de conception de scénario territoriaux, et iii) pédagogiques pour former les futurs leaders de ces processus d’innovation. Ces projets posent néanmoins la question du métier puisqu’aujourd’hui, aucun acteur du territoire ou de la filière ne se sent légitime pour intervenir à une échelle aussi large. Les résultats de ces projets sont donc pour l’instant surtout diffusés dans le monde de la R&D dont on espère qu’elle adoptera plus fréquemment cette approche système pour travailler sur les problèmes d’impasse. Premier changement observé : l’OFB vient de publier un appel à projet « Parties prenantes » dont la question du verrouillage sociotechnique est au cœur de la réflexion. Pour l’ITAB, les acquis d’INTERLUDE ont nourri le montage du projet PARICI visant à trouver des solutions systémiques pour se passer du cuivre. A terme, et pour massifier l’adoption de pratiques agroécologiques par les agriculteurs, les métiers du conseil devront être refondus en profondeur, les décideurs publics devront mettre en place de nouveaux dispositifs de soutien politique et financer et les acteurs des filières et des territoires devront être conscient de leur rôle dans la transition et s’engager ensemble pour trouver des solutions.