Fermentations et levains indigènes
Fermentation, levain, levures, bactéries, vin, pain

La fermentation en Agriculture Biologique
La fermentation est la modification des aliments par des micro-organismes : champignons (levures) ou bactéries. Ces procédés ont été développés empiriquement dans diverses civilisations avant même que les micro-organismes ne soient connus. Mais il a fallu attendre 1857 pour que Louis Pasteur prouve et explique dans Mémoire sur la fermentation alcoolique que les levures sont des organismes vivants.
Depuis de nombreuses années, le recours à la fermentation fait l’objet d’amélioration, de recherche mais également d’un encadrement réglementaire.
Des outils comme les levures commerciales, les levures sèches activées (LSA), les bactéries congelées et de nombreux outils d’amélioration de la fermentation (levures sèches inactivées, thiamine, écorce de levures...) ont fait leur apparition.
Ces pratiques et ces outils sont donc encadrés en Agriculture Biologique par les règlements Bio européens (UE 2018/848 et 2021/1165). Que ce soit pour l’utilisation de ces outils sur différents aliments - avec une règlementation spécifique pour les vins bio - ou les conditions de production de ces outils en Bio comme c’est le cas pour les levures biologiques.
Même si ces outils se sont fortement développés et sont utilisés par beaucoup de producteurs, nombreux sont ceux qui préfèrent privilégier les pratiques visant à utiliser les micro-organismes naturellement présents sur les aliments pour limiter l’utilisation d’intrants. On parle alors de « levain » ou de « fermentation indigène ».
Pourquoi utiliser les levures et bactéries naturellement présents dans le milieu ?
- Autonomie en intrants : l’utilisation de levains permet de s’affranchir de l’achat de levures commerciales
- Amélioration de la valeur nutritionnelle de l’aliment (notamment vrai pour le pain - pour le vin il n’y a pas de gain qualitatif ou nutritionnel entre des levures du commerce et des levures indigènes mais des profils différents créant de la diversité).
- Typicité de l’environnement : les scientifiques cherchent à identifier la diversité génétique des levures et des bactéries présentes naturellement dans les levains en fonction de l’environnement (zone géographique par exemple). Suivant les produits (vin, pain ou fromage) l’impact de l’environnement est plus ou moins important.
Remarque : En vin de nombreuses études et le développement de nouveaux outils d’analyses (marqueurs micro-satellites, Maldi-TOF...) ont permis d’avancer sur ces questions ces dernières années. Il ressort notamment que la notion de levures ou bactéries de terroir ou d’une exploitation viticole n’existe pas. On retrouve des individus génétiquement identiques partout dans le monde dans les zones de production de vin. Une distinction peut exister entre catégorie de produits comme pour les bactéries lactiques (Oenococus oeni) dont les familles génétiques sont différentes et distinctes entre vin blanc et vin rouge (la pression de sélection due à l’acidité des vins jouant un rôle important).
La fermentation au levain en panification
En panification, le levain naturel est composé de farine, d’eau, de bactéries lactiques et de levures. Il est obtenu à partir d’un mélange de farine et d’eau qui est laissé reposer à température constante. Les levures et les bactéries naturellement présentes vont se nourrir des éléments nutritifs de la farine et se multiplier.
Lors de la panification, le levain permet la production de gaz (CO2) qui fait lever la pâte, une acidification et la production d’arômes qui donnent son goût au pain. Plusieurs études ont montré l’intérêt du levain pour améliorer la valeur nutritionnelle et la conservation du pain (Poutanen et al., 2009 ; Rémésy et al., 2015). Le levain permet notamment d’augmenter la biodisponibilité des minéraux contenus dans les farines complètes en réduisant les facteurs anti-nutritionnels comme l’acide phytique (Poutanen et al, 2009).
En France, le projet Bakery (2014-2018) a permis de caractériser les blés, farines et levains de 30 boulangers et paysans-boulangers. Une grande diversité est observée chez les bactéries lactiques et chez les levures des levains. En France, Lactobacillus sanfranciscensis est retrouvée comme espèce majoritaire dans la plupart des levains naturels (Ramsayer et Sicard, 2015). Parmi les levures, on retrouve la levure boulangère Saccharomyces cerevisiae, au côté d’autres espèces dont plusieurs Kazachstania spp. (Ramsayer et Sicard, 2015). Il faut noter qu’en Agriculture Biologique, Saccharomyces cerevisiae est rarement l’espèce majoritaire retrouvée dans les levains (Ramsayer et Sicard, 2015).
La fermentation indigène en vinification
Une fermentation est dite “indigène” lorsqu’elle est réalisée par les levures naturellement présentes, issues de l’environnement ou de la vendange. Deux possibilités existent pour mettre en œuvre cette fermentation indigène :
- de manière spontanée : méthode non interventionniste, les levures naturellement présentes dans le moût réalisent la fermentation. Il n’y a pas d’apport de micro-organismes exogènes de la part du vinificateur.
- en utilisant un pied de cuve : réalisé à partir de raisins récoltés plus précocement, il s’agit de préparer un volume de jus ou de vendange en fermentation (levain) dont l’objectif est de produire de la biomasse, c’est-à-dire, multiplier les levures et favoriser le développement de Saccharomyces cerevisiae. L’apport de ce levain permet un départ plus rapide de la fermentation et facilite la vinification pour le vinificateur souhaitant avoir recours à cette pratique.
NB : Lorsque le vinificateur apporte des Levures Sèches Actives (LSA) ou sélectionnées, on sort du cadre des fermentations dites indigènes.
Le tableau suivant synthétise les avantages et inconvénients des différentes fermentations existantes pour la vinification en Bio.
En France, pour le millésime 2023, 42% des vignerons Bio ont vinifié tous leurs lots en levures indigènes (Enquête sur les pratiques des vignerons). 34% des répondants de l’enquête ont mis en place au moins une fermentation spontanée et 16% ont eu recours aux levures indigènes avec un pied de cuve sur au moins un lot.